Promouvoir les droits des FSH durant la crise covid

L’International Disability Alliance (IDA) a organisé un webinar sur la promotion des droits des femmes en situation de handicap (FSH) durant la crise covid le 8 avril 2020, en collaboration avec le European Disability Forum. Pour ne pas perdre son élan en termes de plaidoyer pour les droits des femmes en situation de handicap, l’IDA a sélectionné des oratrices parmi les femmes en situation de handicap qui devaient parler lors du Comité des Nations Unies sur le Statut des Femmes, qui a été annulé à cause de la pandémie. C’était un dialogue intéressant de voix issues des quatres coins du monde.

Barrières

Villany Remengesau (Pacific Disability Forum) a présenté une perspective régionale de la région du Pacifique. Les informations cruciales sur les mesures sanitaires et les services disponibles étaient largement inaccessibles dû à l’usage de vocabulaire technique et médical dans les campagnes publiques. Les FSH vivent souvent dans des quartiers pauvres et surpeuplées, leurs conditions de vie exacerbant leurs vulnérabilités. Cependant, les idées préconçues et les attitudes validistes sont les plus grandes barrières aux droits des FSH.

Ekaete Judith Umoh (African Disability Forum) a souligné les barrières systémiques et structurelles, telles que les croyances culturelles négatives et le patriarcat, qui entravent les droits des FSH et permettent aux gouvernements et aux mouvements féministes de négliger les problèmes et besoins des FSH. Mis à part l’interprétation en langage des signes à l’écran dans certains pays, il n’y a pas eu d’action notoire en faveur des personnes en situation de handicap durant la crise actuelle. Ni les centres de dépistage et de traitement covid, ni les distributions de colis alimentaires ne sont accessibles, surtout aux mères seules en situation de handicap qui ne peuvent pas quitter la maison. Alors que les organisations féministes ont publié des  déclarations relatives aux inégalités de genre et aux violences contre les femmes durant la pandémie, elles n’ont pas pris en compte les situations spécifiques de FSH.

Selon l’Indigenous People with Disabilities Global Network, représenté par Pratima Gurung, le handicap ne fait pas partie de l’agenda politique durant la crise covid-19. Les besoins fondamentaux des femmes indigènes en situation de handicap, tels que l’accès à l’information en langue des signes ou dans leur langue maternelle, sont rarement reconnus ou pris en compte. Elle a par ailleurs souligné le fait que les FSH sont un groupe hétérogène et que leurs allié·e·s doivent accepter cela en adoptant une approche qui prend en compte les dimensions de genre, de handicap et de culture. Le “tokénisme” est prépondérant dans les mouvements féministes et de handicap, où les FSH ne sont pas incluses. Leurs voix n’étant dès lors pas entendues, elles ne sont pas autorisées à prendre des décisions sur des sujets qui les concernent directement.

Yeni Rosa Damayanti (TCI Asia) a parlé de la situation spécifique des femmes en situation de handicap psychosocial. Dans de nombreux pays, elles n’ont pas d’autorité légale et sont emprisonnées dans des institutions psychiatriques. Les femmes en situation de handicap psychosocial sont souvent mises automatiquement sous tutelle (informelle) et institutionnalisées sans leur consentement, parfois à vie. Les conditions de vie sont proches de l’enfermement carcéral et la contraception et la stérilisation forcées et les violences sexuelles sont fréquentes, en absence de tout mécanisme de plainte. Durant la crise covid, les institutions d’aide sociale, considérées comme des services non-médicaux, fonctionnent comme une boîte de Petri pour le coronavirus, avec 30 femmes vivant dans une seule et même chambre, de mauvaises conditions sanitaires et de nutrition, sans savon ni mesures préventives en cas de contact avec le personnel soignant et sans d’accès à l’information puisque ces femmes ne sont pas considérées comme des êtres capables de pensée. Elles n’ont pas non plus accès aux médias ou à internet. Si elles sont mises en liberté parce que leur institution ferme à cause de la covid, elles n’ont nul part où aller. Cependant, il est difficile de sensibiliser à ce problème, même au sein de mouvements féministes et de personnes en situation de handicap. En Asie du Sud-Est, les FSH sont encore considérées comme des “autres” qui ont besoin d’aide, pas comme des collègues militantes, et ne sont donc pas invitées à se former sur les questions de genre, qui sont pourtant la base des ONGs féministes de nos jours. Dans les mouvements pour personnes en situation de handicap, le problème du patriarcat est rarement mentionné. Par exemple, la violence domestique perpétrée par des hommes en situation de handicap est ignorée afin de ne pas troubler leur image comme victimes d’injustice. Les organisations de personnes en situation de handicap n’invitent pas non plus d’organisations féministes aux évènements. Il est urgent de joindre ces deux mouvements.

Stratégies

Rosario Galarza (Correspondant de la Economic Commission for the Latin American and the Caribbean ECLAC) a recommandé des stratégies pour les actrices·eurs d’aide humanitaire afin de surmonter la double exclusion des FSH et de développer leur capacité de leadership. Tout d’abord, une collaboration entre états, actrices·eurs d’aide humanitaire et d’organisations de FSH améliorerait l’inclusion des FSH en besoin en termes d’intervention de crise. Ensuite, les organisations de FSH ont besoin de plus de soutien afin de renforcer leurs compétences et de contribuer avec leur expertise aux problématiques humanitaires. Enfin, les actrices·eurs humanitaires doivent recruter des FSH en tant que volontaires et employées afin d’assurer la représentation sur le terrain. La crise covid a mis en lumière la nécessité d’inclure les FSH dès le commencement des actions, et non pas à la fin de celles-ci, tel un ajout final.

Pirkko Mahlamäki (European Disability Forum) a présenté quelques bonnes pratiques de collaboration entre l’EDF et le Lobby Européen des Femmes en ce qui concerne le suivi de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes des Nations unies. En Finlande, son lobbying contre le manque de maisons d’accueils accessibles à donné lieu à un premier audit, mais rendre les services accessibles pour les femmes victimes de violence reste un effort continu. En ce qui concerne la crise covid, les assistant·e·s personnel·le·s des personnes en situation de handicap doivent être inclus·es dans la liste des services essentiels de manière à ce qu’elles et ils puissent continuer à travailler durant les confinements. Dans plusieurs cas, le “rationnement” des soins ou des ventilateurs sur base de validité ont été signalés, et les personnes en situation de handicap sont rarement testées, ce qui signifie qu’une fois décédées, elles ne sont pas incluses dans les statistiques corona. 

D’autres idées de stratégies de promotion des droits des femmes en situation de handicap ont été proposées par Rupsa Mallik (CREA) qui a invité les participants à remettre en question leur discours sur l’inclusion et à accentuer leurs efforts de développement de leadership pour les FSH, ainsi que les documents de politique sur ces problématiques publiés par EDF et Women Enabled International, qui peuvent être utilisés comme outils de plaidoyer.