Combattre les violences envers les femmes en situation de handicap: Nos recommandations

Lors de la conférence nationale belge de sensibilisation « Combattre les violences envers les femmes : le rôle des femmes en situation de handicap » du 8 octobre 2021, les participant·e·s ont fait émerger les revendications suivantes pour lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes et aux filles en situation de handicap

Nous estimons qu’aucune décision les concernant ne devrait être prise sans, au préalable, donner la parole aux femmes en situation de handicap. C’est fondamental si on souhaite que les dites décisions soient réellement adéquates par rapport à leurs réalités et besoins.

En outre, il est important de recueillir directement leur parole, sans filtre, sans que leurs parents ou accompagnateur·rice·s s’expriment pour elles.

Approche général contre les discriminations, stéréotypes et exclusions

  • Questionner et rendre plus inclusif le système d’éducation actuel, en particulier l’école, les associations sportives, les mouvements de jeunesse etc. afin que, dès le plus jeune âge, les enfants, avec toutes sortes de capacités, évoluent ensemble.
  • Déconstruire la notion du handicap afin qu’il ne soit pas vu comme une lacune, mais un potentiel, porteur d’expériences, pratiques et besoins différents et le considérer à travers le prisme d´un système plus large d’interdépendance.
  • Promouvoir des images positives des personnes en situation de handicap, sans infantilisation ni victimisation – les personnes en situation de handicap ont des compétences et intelligences particulières qui enrichissent et complètent les manières de voir majoritaires.
  • Déconstruire l’articulation du sexisme et du validisme afin que les femmes en situation de handicap soient perçues et traitées comme des êtres humains à part entière et ne soient plus réduites à leur handicap.
  • Soutenir davantage les recherches en matière de disability studies (études critiques du handicap) et les analyses intersectionnelles genre/handicap ; intégrer notamment le handicap dans le Master genre et créer un centre de recherche dédié aux disability studies.
  • Mener des campagnes de sensibilisation, y compris sur les réseaux sociaux, pour promouvoir l’inclusion et le respect de la diversité et combattre les préjugés et stéréotypes.
  • Sensibiliser et responsabiliser les journalistes et les médias à l’importance de rendre visibles la diversité de femmes en situation de handicap notamment en utilisant des termes et images non-stéréotypés. Attention aux désignations réductrices, car certaines femmes sourdes ne se reconnaissent pas sous le label handicap (« femmes en situation de handicap et/ou sourdes »).
  • Augmenter la participation active de femmes en situation de handicap dans les médias et le secteur culturel, et cela dans toutes les fonctions et à tous les niveaux décisionnels.
  • Visibiliser et promouvoir les productions culturelles de femmes en situation de handicap, par exemple en organisant un festival d’art par les femmes en situation de handicap pour un public diversifié.
  • Sortir les femmes en situation de handicap de l’ombre et créer des contenus médiatiques et culturels qui les représentent comme des êtres humains à part entière, non réduites à leur seul handicap, puissantes et capables d’agir.
  • Identifier et surmonter tous les aspects handicapants de la société, plus particulièrement en ralentissant le fonctionnement de la société pour la rendre plus humaine pour tou·te·s.
  • Tous les secteurs et niveaux de la société doivent montrer l’exemple de l’inclusion, s’appuyant sur des moyens de communication accessibles à tou·te·s et visant le dialogue et la compréhension mutuelle.

Autonomiser les femmes en situation de handicap 

  • Mettre tout en œuvre pour garantir le droit à une vie autonome, y compris une assistance de qualité.
  • Promouvoir la participation des femmes en situation de handicap au marché de l’emploi régulier et dans des postes correctement rémunérés.
  • Pratiquer l’action positive afin de favoriser l’emploi des femmes en situation de handicap.
  • Rendre accessible les emplois, et en particulier dans les secteurs de l’aide à la personne et de l’éducation.
  • Rémunérer le travail jusqu’ici bénévole des femmes en situation de handicap.
  • Créer une allocation à l’autonomie pour toutes les femmes en situation de handicap, indépendamment de leur mode de vie, notamment la vie en couple, afin de réduire leur dépendance financière.
  • Assurer la pleine accessibilité de tous les espaces publics, y compris des réseaux sociaux, afin de permettre aux femmes en situation de handicap d’y faire des rencontres choisies librement, se constituer des réseaux et affiliations divers et de participer pleinement à la vie de la cité.
  • Visibiliser et valoriser la capacité d’agir des femmes en situation de handicap afin de déconstruire des stéréotypes et de les encourager à se sentir capables et légitimes pour parler, agir et défendre leurs droits et intérêts.
  • Valoriser les expertises des femmes en situation de handicap dans tous les domaines et non seulement celui du handicap.
  • Créer des possibilités pour chacun·e de sortir du silence et d’être entendu·e, ce qui implique une accessibilité totale et des moyens de communication partagés.  Au même moment, il faut des espaces spécifiques et non-mixtes où les femmes en situation de handicap peuvent témoigner et être entendues.
  • Créer différents ateliers et outils ludiques pour libérer la parole et co-construire le savoir des femmes en situation de handicap.
  • Dans toute communication adressée aux femmes en situation de handicap, veiller à ce que le message soit court, accessible et focalisé sur l’apport concret de l’information pour les femmes en situation de handicap. Favoriser l´usage des plateformes préférées des femmes en situation de handicap, par exemple Instagram.
  • Former les femmes en situation de handicap à créer leurs propres contenus et médias afin qu’elles puissent parler pour elles-mêmes et montrer leur créativité et leurs opinions.
  • Soutenir les femmes en situation de handicap pour se constituer en association francophone, à l’instar de l’association Persephone en Flandre.
  • Soutenir spécifiquement les petites associations de femmes en situation de handicap confrontées à des discriminations et oppressions supplémentaires (ex. racisme, hétéro/cis/monosexisme, classisme) afin qu’elles puissent apporter leur analyse intersectionnelle à tous les secteurs de la société.

Développer les compétences préventives des femmes en situation de handicap

  • Intégrer l’éducation à la prévention primaire et à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) dans tous les curricula et établissements scolaires et dès le plus jeune âge, avec une attention particulière aux notions de consentement, de limites personnelles et de stratégies de prévention et de résistance, et en particulier pour les enfants et jeunes ayant besoin d’une assistance impliquant des contacts physiques.
  • Financer l’autodéfense féministe, son accessibilité et sa promotion pour toutes les femmes et filles en situation de handicap. Multiplier les formations partout et pour toutes, y compris par le soutien local des villes et communes, voire la création d’un brevet ou certificat et une obligation de développer de l’autodéfense féministe dans chaque secteur (par exemple dans les écoles spécialisées).
  • Organiser ces formations pour les femmes en situation de handicap vivant en institution. Une attention particulière est due aux lieux de vie qui sont susceptibles d’accueillir des femmes en situation de handicap, comme par exemple les maisons d’accueil, les institutions psychiatriques et les organisations actives dans le domaine de la migration.
  • Organiser, rendre visibles et promouvoir ces formations afin que des femmes en situation de handicap qui ne sont pas en lien avec des organisations du secteur du handicap y aient accès. Pour la promotion, il faut distribuer des outils d’informations aux endroits que fréquentent les femmes en situation de handicap, par exemple les médecins généralistes, les antennes de l’ONE, les communes, les CPAS, les mutualités, les services de soins à domicile ou d’aides familiales, les organisations religieuses, les écoles de leurs enfants. Il est à noter que la communication doit être bien visible de tou.te.s, car ces actrice·eurs ne sont pas forcément au courant du handicap des concernées. Certaines femmes hésitent à parler à ces instances de leur handicap, par peur d’être considérées inaptes en tant que parent et de perdre la garde de leurs enfants.
  • Créer des outils accessibles et non infantilisants pour expliquer les violences, les stratégies de prévention et où trouver de l’aide. Ces outils doivent aborder toutes les formes de violences, qu’elles aient lien au sein du couple, en famille, dans les relations de soins, dans l’espace public etc. Ils doivent être produit en différents formats accessibles, y compris le Facile à lire et à comprendre, la Langue des signes belge francophone, le braille et l’audiodescription.
  • Créer des outils accessibles pour l’accompagnement des victimes, y compris pour les non-professionnel·le·s.
  • Encourager la mise en réseau les différents services impliqués dans la prévention des violences et la prise en charge des victimes, y compris au niveau communal.

Rendre les espaces privés plus sûres

  • Déconstruire l’idée de la famille protectrice, car cette représentation invisibilise et facilite les violences, promouvoir le message que l’espace familial est soumis à la loi.
  • Etablir le consentement comme base de toute interaction entre aidant·e et aidé·e et donner les moyens aux aidant·e·s de lâcher prise sur l’organisation du quotidien des femmes et filles en situation de handicap.
  • Organiser et promouvoir, dès leur plus jeune âge, des formations pour les familles et l’entourage social des enfants en situation de handicap sur des manières respectueuses et autonomisantes d’aider et soutenir l’enfant.
  • Créer des lieux de parole et de soutien pour les familles des femmes en situation de handicap afin de ne pas les laisser seules avec leurs difficultés.
  • Améliorer le soutien des familles de femmes en situation de handicap pour diminuer le stress des aidant·e·s familiales·aux.

Prévenir les violences dans le secteur du handicap 

  • Evaluer et reformer de fond en comble les institutions et services spécialisés (enseignement spécialisé, lieux de vie, de travail, de loisirs non-mixtes pour personnes en situation de handicap) afin d’éviter le fonctionnement en vase clos qui favorise les violences.
  • Etablir le consentement comme base de toute interaction entre professionnel·le·s et bénéficiaires (toucher, déplacement, activités…) et donner les moyens aux professionnel·le·s de lâcher prise sur l’organisation du quotidien des femmes et filles en situation de handicap.
  • Améliorer les conditions de travail des professionnel·le·s du secteur du handicap pour libérer le temps nécessaire pour fonctionner sur base de consentement.
  • Former les professionnel.le.s, y compris le corps médical, pour combattre le validisme et développer des protocoles, attitudes et pratiques respectueux et autonomisants.
  • Former les professionnel·le·s de l’enseignement spécialisé, y compris des centres PMS spécialisés, aux questions de violence, de prévention primaire et de prise en charge des victimes, y compris les services disponibles et leur accessibilité.
  • Etoffer l’offre de formation continue pour les professionnel.le.s du secteur du handicap avec des formations spécifiques à la prévention des violences et réduire la surcharge de travail afin que les professionnel.le.s aient le temps de suivre ces formations.
  • Inclure dans la formation initiale des professionnel.le.s du secteur du handicap des savoirs et savoir-faire par rapport aux violences, leur prévention et l’accompagnement des victimes.
  • Combattre la vision néolibérale dans le secteur des Entreprises de travail adapté afin de préserver et agrandir des espaces d’action à mesure des personnes qui y travaillent.
  • Créer un réseau d’échange d’informations et de bonnes pratiques d’assistance accessible aux professionnel·le·s et aux usagère·ers.
  • Impliquer des professions comme les aides à domicile et les gardes malades dans les démarches de prévention des violences, y compris en leur fournissant les informations nécessaires pour agir quand ielles sont témoins de violences envers les femmes en situation de handicap.
  • Centraliser et rendre accessibles les informations sur des initiatives de lutte contre les violences afin d’éviter qu’on gaspille les moyens dans la réinvention de la roue.
  • Instaurer l’obligation dans chaque service spécifique pour personnes en situation de handicap d’instaurer un processus démocratique pour élire parmi les usagères une représentante qui recense les besoins et souhaits des femmes et les communique à l’organisation.
  • Ouvrir la voie à et reconnaître l’expertise des concernées par l’éducation par les paires, la pair-aidance, le peer counselling et la sensibilisation/formation des professionnel·le·s par des femmes en situation de handicap (peer-to-pro).

Augmenter l’accessibilité du secteur « anti-violence »

  • Eviter la création de services d’aide spécifiques pour les femmes en situation de handicap – elles doivent pouvoir s’adresser à n’importe quel service anti-violence et être bien reçues et aidées.
  • Créer des répertoires d’accessibilité pour ces services afin que les femmes en situation de handicap ne doivent pas elles-mêmes faire de la recherche et puissent directement accéder les services en cas de besoin.
  • Promouvoir les services anti-violence particulièrement accessibles.
  • Créer un label d’accessibilité avec différents modèles selon le type d’accessibilité pour faciliter la communication et l’orientation.
  • Afficher visiblement les informations d’accessibilité du service sur tous les supports de communication et créer des supports de communication accessibles (FALC, LSFB, audiodescription…).
  • Augmenter l’accessibilité de la ligne d’écoute violences conjugales et de son chat à 24/7.
  • Rendre tous les services de lutte contre les violences financièrement accessibles car les femmes en situation de handicap sont plus souvent en situation de pauvreté et des services payants constituent un frein important pour elles.
  • Inclure les femmes en situation de handicap visuellement dans les campagnes de lutte contre les violences faites aux femmes.
  • Former les professionnel·le·s, par la formation initiale et continue, à déconstruire leurs représentations erronées du handicap et à accueillir correctement et communiquer avec des femmes en situation de handicap, y compris à s’adresser à la femme concernée et non à l’assistant·e ou l’interprète ; idéalement, ces compétences seront reconnues par un certificat.
  • Ouvrir la voie à l’expertise des concernées par l’éducation par les paires, la pair-aidance, le peer counselling et la sensibilisation/formation des professionnel·le·s par des femmes en situation de handicap (peer-to-pro). Il est important que ces contributions des femmes en situation de handicap soit valorisé et rémunéré.
  • Développer la paire-aidance dans les services d’aide pour accompagner les femmes en situation de handicap, y compris dans les groupes de parole pour victimes de violence. Dans la paire-aidance, il est important de veiller à l’indépendance des paires-aidantes de la structure qui les accueille afin qu’elles ne reproduisent pas des valeurs, attitudes ou pratiques oppressives. 
  • Présenter les services d’aide dans les institutions et autres services du secteur handicap aux professionnel·le·s et aux usagères·ers.
  • Créer des espaces de rencontres, d’échanges d’expériences et de pratiques et d’outils entre les professionnel·le·s du secteur du handicap et du secteur anti-violence.
  • Inclure les organisations du secteur du handicap dans les listes d’envoi pour les campagnes, affiches, brochures etc. des services anti-violence.
  • Diffuser les informations du secteur du handicap, par exemple sur des activités, dans les services anti-violence.
  • Développer l’interprétariat en langue de signes francophone belge, former les interprètes à la traduction correcte et respectueuse dans le contexte de violence, créer un fonds pour financer l’interprétation en LSFB lors de toutes les démarches de femmes sourdes victimes de violence.
  • Renforcer et financer les transports accessibles et la communication sur les services anti-violence, ainsi que la création d’antennes locales des services anti-violence dans toutes les régions, et particulièrement dans les régions rurales, pour surmonter l’isolement des femmes en situation de handicap.
  • Développer un travail de transformation avec les auteurs, et non seulement par des approches thérapeutiques individualisantes. Les services de travail avec les auteurs doivent aussi tenir compte des auteurs en situation de handicap et devenir accessibles et inclusifs.

Rendre la police et la justice plus accessible

  • Généraliser l’utilisation du FALC dans les communications de la police et de la justice (sites web, courriers…).
  • Développer la formation spécifique, initiale et continue, des agent.e.s de police et des professionnel·le·s de la justice pour améliorer la prise en charge des femmes en situation de handicap victimes de violence.
  • Identifier et communiquer sur des personnes référentes (et formées) en matière de handicap et violence dans toutes les zones de police et tous les arrondissements judiciaires.
  • Informer, sensibiliser et former les avocat·e·s aux questions de genre, handicap et violence.
  • Etendre le délai de prescription des différentes formes de violence qui touchent les femmes de manière spécifique ou disproportionnée afin de donner aux femmes le temps de se préparer à une plainte et procédure juridique.

Rendre le mouvement féministe plus inclusif

  • Rester vigilant.e.s aux femmes absentes et augmenter les efforts pour leur permettre une participation à part entière.
  • Inviter les femmes en situation de handicap et leurs organisations à participer dans les réseaux, mobilisations etc. et respecter leur droit de parler pour elles-mêmes.
  • Organiser les activités, rencontres, festivals etc. de manière accessible et être à l’écoute des besoins spécifiques des femmes.
  • Améliorer le réseautage avec et entre des associations féministes, souvent petites, qui représentent des femmes marginalisées (migrantes, en situation de handicap, LGBTQI+…)
  • Développer une approche intersectionnelle concrète et pratique en travaillant dans d´autres langues que le français et le néerlandais et en collaborant avec les petites associations de femmes issues de l’immigration qui peuvent servir de médiatrices culturelles.
  • Diffuser les informations du secteur du handicap dans les réseaux féministes.

Un autre sujet important a également été abordé mais pas approfondi par manque de temps : 

Les femmes en situation de handicap ont témoigné de nombreuses violences institutionnelles et intrapersonnelles dans les services de santé. Il faudrait explorer ce sujet afin de développer un programme de sensibilisation et formation préventive des professionnel·le·s (para-)médicales·aux. D’autres facteurs protecteurs qu’il faudrait renforcer sont le principe d’autodétermination des femmes en matière de santé, l’accessibilité financière des services de santé pour les femmes en situation de handicap ; la consultation des expertes de terrain dans l’organisation des services de santé ; un travail de mise en réseau et de soutien avec les parents.

Promouvoir les droits des FSH durant la crise covid

L’International Disability Alliance (IDA) a organisé un webinar sur la promotion des droits des femmes en situation de handicap (FSH) durant la crise covid le 8 avril 2020, en collaboration avec le European Disability Forum. Pour ne pas perdre son élan en termes de plaidoyer pour les droits des femmes en situation de handicap, l’IDA a sélectionné des oratrices parmi les femmes en situation de handicap qui devaient parler lors du Comité des Nations Unies sur le Statut des Femmes, qui a été annulé à cause de la pandémie. C’était un dialogue intéressant de voix issues des quatres coins du monde.

Barrières

Villany Remengesau (Pacific Disability Forum) a présenté une perspective régionale de la région du Pacifique. Les informations cruciales sur les mesures sanitaires et les services disponibles étaient largement inaccessibles dû à l’usage de vocabulaire technique et médical dans les campagnes publiques. Les FSH vivent souvent dans des quartiers pauvres et surpeuplées, leurs conditions de vie exacerbant leurs vulnérabilités. Cependant, les idées préconçues et les attitudes validistes sont les plus grandes barrières aux droits des FSH.

Ekaete Judith Umoh (African Disability Forum) a souligné les barrières systémiques et structurelles, telles que les croyances culturelles négatives et le patriarcat, qui entravent les droits des FSH et permettent aux gouvernements et aux mouvements féministes de négliger les problèmes et besoins des FSH. Mis à part l’interprétation en langage des signes à l’écran dans certains pays, il n’y a pas eu d’action notoire en faveur des personnes en situation de handicap durant la crise actuelle. Ni les centres de dépistage et de traitement covid, ni les distributions de colis alimentaires ne sont accessibles, surtout aux mères seules en situation de handicap qui ne peuvent pas quitter la maison. Alors que les organisations féministes ont publié des  déclarations relatives aux inégalités de genre et aux violences contre les femmes durant la pandémie, elles n’ont pas pris en compte les situations spécifiques de FSH.

Selon l’Indigenous People with Disabilities Global Network, représenté par Pratima Gurung, le handicap ne fait pas partie de l’agenda politique durant la crise covid-19. Les besoins fondamentaux des femmes indigènes en situation de handicap, tels que l’accès à l’information en langue des signes ou dans leur langue maternelle, sont rarement reconnus ou pris en compte. Elle a par ailleurs souligné le fait que les FSH sont un groupe hétérogène et que leurs allié·e·s doivent accepter cela en adoptant une approche qui prend en compte les dimensions de genre, de handicap et de culture. Le “tokénisme” est prépondérant dans les mouvements féministes et de handicap, où les FSH ne sont pas incluses. Leurs voix n’étant dès lors pas entendues, elles ne sont pas autorisées à prendre des décisions sur des sujets qui les concernent directement.

Yeni Rosa Damayanti (TCI Asia) a parlé de la situation spécifique des femmes en situation de handicap psychosocial. Dans de nombreux pays, elles n’ont pas d’autorité légale et sont emprisonnées dans des institutions psychiatriques. Les femmes en situation de handicap psychosocial sont souvent mises automatiquement sous tutelle (informelle) et institutionnalisées sans leur consentement, parfois à vie. Les conditions de vie sont proches de l’enfermement carcéral et la contraception et la stérilisation forcées et les violences sexuelles sont fréquentes, en absence de tout mécanisme de plainte. Durant la crise covid, les institutions d’aide sociale, considérées comme des services non-médicaux, fonctionnent comme une boîte de Petri pour le coronavirus, avec 30 femmes vivant dans une seule et même chambre, de mauvaises conditions sanitaires et de nutrition, sans savon ni mesures préventives en cas de contact avec le personnel soignant et sans d’accès à l’information puisque ces femmes ne sont pas considérées comme des êtres capables de pensée. Elles n’ont pas non plus accès aux médias ou à internet. Si elles sont mises en liberté parce que leur institution ferme à cause de la covid, elles n’ont nul part où aller. Cependant, il est difficile de sensibiliser à ce problème, même au sein de mouvements féministes et de personnes en situation de handicap. En Asie du Sud-Est, les FSH sont encore considérées comme des “autres” qui ont besoin d’aide, pas comme des collègues militantes, et ne sont donc pas invitées à se former sur les questions de genre, qui sont pourtant la base des ONGs féministes de nos jours. Dans les mouvements pour personnes en situation de handicap, le problème du patriarcat est rarement mentionné. Par exemple, la violence domestique perpétrée par des hommes en situation de handicap est ignorée afin de ne pas troubler leur image comme victimes d’injustice. Les organisations de personnes en situation de handicap n’invitent pas non plus d’organisations féministes aux évènements. Il est urgent de joindre ces deux mouvements.

Stratégies

Rosario Galarza (Correspondant de la Economic Commission for the Latin American and the Caribbean ECLAC) a recommandé des stratégies pour les actrices·eurs d’aide humanitaire afin de surmonter la double exclusion des FSH et de développer leur capacité de leadership. Tout d’abord, une collaboration entre états, actrices·eurs d’aide humanitaire et d’organisations de FSH améliorerait l’inclusion des FSH en besoin en termes d’intervention de crise. Ensuite, les organisations de FSH ont besoin de plus de soutien afin de renforcer leurs compétences et de contribuer avec leur expertise aux problématiques humanitaires. Enfin, les actrices·eurs humanitaires doivent recruter des FSH en tant que volontaires et employées afin d’assurer la représentation sur le terrain. La crise covid a mis en lumière la nécessité d’inclure les FSH dès le commencement des actions, et non pas à la fin de celles-ci, tel un ajout final.

Pirkko Mahlamäki (European Disability Forum) a présenté quelques bonnes pratiques de collaboration entre l’EDF et le Lobby Européen des Femmes en ce qui concerne le suivi de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes des Nations unies. En Finlande, son lobbying contre le manque de maisons d’accueils accessibles à donné lieu à un premier audit, mais rendre les services accessibles pour les femmes victimes de violence reste un effort continu. En ce qui concerne la crise covid, les assistant·e·s personnel·le·s des personnes en situation de handicap doivent être inclus·es dans la liste des services essentiels de manière à ce qu’elles et ils puissent continuer à travailler durant les confinements. Dans plusieurs cas, le “rationnement” des soins ou des ventilateurs sur base de validité ont été signalés, et les personnes en situation de handicap sont rarement testées, ce qui signifie qu’une fois décédées, elles ne sont pas incluses dans les statistiques corona. 

D’autres idées de stratégies de promotion des droits des femmes en situation de handicap ont été proposées par Rupsa Mallik (CREA) qui a invité les participants à remettre en question leur discours sur l’inclusion et à accentuer leurs efforts de développement de leadership pour les FSH, ainsi que les documents de politique sur ces problématiques publiés par EDF et Women Enabled International, qui peuvent être utilisés comme outils de plaidoyer.

Les violences contre les femmes en situation de handicap en France

L’enquête annuelle Cadre de vie et sécurité du gouvernement Français souligne le fait que les personnes non valides (entre 18 et 64 ans) sont plus souvent confrontées à différentes sortes de violence que les personnes valides. 7,3% des personnes en situation de handicap ont fait l’expérience de violence physique ou sexuelle dans les 24 mois précédent l’enquête, comparé à 5,1% de la population générale. Elles font aussi l’objet de davantage de menaces en dehors du ménage (+ 3.3 points de pourcentage) et d’insultes (+ 4.2 points de pourcentage). Ainsi, le handicap est un facteur majeur des taux de victimisation.

L’écart est encore plus prononcé lorsqu’il s’agit de femmes en situation de handicap. 9% d’entre elles ont fait l’expérience de violences physiques et/ou sexuelles, comparées à 5,8% pour les femmes valides. Sur une période de deux ans, 4% de femmes en situation de handicap sont la cible de violences sexuelles, un taux qui s’élève à 1,7% pour les femmes valides. Elles sont aussi plus souvent exposées à la violence verbale, 18,1% d’entre elles ayant été la cible d’insultes et 8,2% d’entre elles de menaces. Quand d’autres variables, tels que l’âge ou la composition de ménage, sont enlévés de l’équation, le risque de victimisation augmente encore plus pour les femmes en situation de handicap, de 4,8, 4,6 et 6,7 points de pourcentage respectivement pour les violences sexuelles et/ou physiques, les menaces et les insultes.

Non seulement les personnes en situation de handicap sont la cible de violences plus souvent, mais leurs impacts sont aussi plus traumatisants que pour la population générale. Elles signalent par exemple un impact psychologique perturbant leur quotidien plus important, y compris dans la vie professionnelle. Cela s’explique par des agressions multiples, ainsi que par des formes plus sérieuses de violence, qui mènent à leur tour plus fréquemment à des fractures et d’autres blessures, ainsi qu’un recours plus fréquent aux soins médicaux. Ici aussi, les femmes en situation de handicap sont plus touchées que leurs congénères hommes.

Les violences contre les personnes en situation de handicap ont plus souvent lieu dans leur voisinage que pour la population générale. Elles sont agressées à leur domicile deux fois plus souvent, un chiffre qui augmente encore dans le cas de violences physiques et sexuelles. Elles sont plus souvent confrontées à plusieurs agresseurs.

Et les agresseur·e·s? La majorité sont des hommes adultes qui agissent seuls, même si le taux d’agresseures femmes est plus élevé que pour la population générale lorsqu’il s’agit de victimes en situation de handicap. Cela s’explique par la proportion plus importante de femmes assurant le travail du care, tant dans le milieu familial que professionnel. Les personnes en situation de handicap signalent plus souvent le fait qu’elles connaissent leurs agresseur·e·s que les personnes valides, et ce que ce soit de manière intime ou superficielle, qu’importe si les violences ont lieu à leur domicile ou dans l’espace publique. Par exemple, 68% des personnes en situation de handicap qui ont été victimes de menace, 61% qui ont été la cible de violences physiques et 47% qui ont été insultées connaissaient leur agresseur·e.

Une personne en situation de handicap sur quatre qui a été l’objet de violence ou de vol a porté plainte auprès de la police, alors qu’en moyenne, seulement une personne sur cinq de la population générale porte plainte. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de violences physiques ou sexuelles. Les statistiques de rapports de police sont une source supplémentaire d’information pour l’enquête. Les homme en situation de handicap utilisent les services de police plus souvent que leurs paires, sauf dans le cas de violences sexuelles et d’atteintes à la dignité humaine (une série d’atteintes incluant la traite, le proxénétisme, la prostitution de mineur·e·s et l’exploitation à la mendicité, entre autres). Les violences sexuelles concernent un nombre disproportionné de jeunes femmes entre 15 et 29 ans, de même que les personnes dont l’handicap n’est pas physique. Cependant, les autres types d’infractions qui font l’objet d’une plainte concernent une majorité de victimes en situation de handicap physique.

Selon ces faits, il n’est pas surprenant qu’il y ait davantage de personnes en situation de handicap qui ne se sentent pas en sécurité, comparé à la population générale. 17% de personnes en situation de handicap ne se sentent pas en sécurité dans leurs villages ou quartiers souvent ou de temps en temps, ce qui mène 16% d’entre elles à limiter leur mobilité pour des préoccupations de sécurité, comparé à 11 et 9% respectivement pour la population générale. Les personnes en situation de handicap se sentent également moins souvent en sécurité à leur domicile (17%). Ces différences sont expliquées par un taux d’agressions plus élevé, ainsi que par d’autres différences telles que l’âge et les conditions de vie.

L’enquête a mesuré le handicap selon l’auto-définition des personnes interrogées au sein des ménages, soit parce qu’elles avaient coché “en situation de handicap” ou “faisant l’objet de difficultés dans le fonctionnement quotidien”. Pour des raisons méthodologiques, les personnes en situation de handicap sont sous-représentées dans l’enquête (8% des répondant·e·s): non seulement l’enquête n’a pas été rendue accessible, mais en plus aucune aide n’a été proposée afin de remplir le questionnaire. De plus, les personnes vivant dans des institutions ont été exclues, ce qui englobe un nombre disproportionné de personnes en situation de handicap. Ainsi, ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, puisqu’ils ne reflètent que la partie visible de l’iceberg des violences.

Laissées pour compte ? Les femmes en situation de handicap durant la crise COVID-19

Le 19 Juin 2020 avait lieu un webinaire intitulé “Laissées pour compte ? Les femmes en situation de handicap durant la crise COVID-19”, organisé par le European Disability Forum (EDF), et ayant pour but d’examiner l’impact de la pandémie actuelle sur 60 millions de femmes et de filles en situation de handicap en Europe. Le panel d’intervenant·e·s incluait des représentant·e·s de différentes organisations: le Comité des Femmes EDF, le Lobby Européen des Femmes (LEF), la Commission Européenne, l’Institut Européen pour l’Égalité de Genre (EIGE), ONU Femmes, et CERMI, une association espagnole de femmes en situation de handicap. Tou·te·s ce sont accordé·e·s pour dire que l’intersection de sexisme et de validisme a pour conséquence que les femmes en situation de handicap se voient exclues des efforts menés pour réduire l’impact négatif de la pandémie sur les populations particulièrement vulnérables. Les droits des femmes en situation de handicap ne sont défendus de manière prioritaire ni par les mouvements féministes, ni par les mouvements pour personnes en situation de handicap, ce qui n’est malheureusement pas différent en temps de crise.

Luisa Bosisio, une membre italienne du conseil d’administration et du Comité femmes de l’EDF, a critiqué le fait que les autorités publiques ne consultent pas les organisations de personnes en situations de handicap afin de déterminer les contre-mesures à prendre durant la pandémie. En conséquence, les femmes en situation de handicap ont été affectées particulièrement par la pandémie. En Italie, la majorité des personnes en situation de handicap vivant en institution sont des femmes. Elles sont donc touchées de manière disproportionnée par le confinement, qui s’est traduit par une isolation très sévère. L’assistance personnelle ayant été déclarée comme un service non-essentiel, les femmes en situation de handicap et les mères d’enfants handicapés ont été laissées sans assistance. Quand l’augmentation des violences conjugales a poussé les autorités à communiquer en faveur de soutien aux victimes, l’information n’a pas été rendue accessible à tou.te.s, laissant de nouveau les femmes en situation de handicap isolées, sans soutien. Pourtant, elles sont plus à risque de subir des violences que les femmes valides. La difficulté générale d’accès aux services de santé et aux droits reproductifs était encore exacerbée pour les femmes en situation de handicap, mettant en péril leur accès aux contraceptifs, à l’avortement, aux soins de grossesss et de prévention de cancers.

La secrétaire générale du LEF, Joanna Maycock, a rappelé aux participant·e·s l’impact socio-économique, de santé mentale et physique de la pandémie, ainsi que la récession économique qui nous attend. Bien qu’il y ait eu une prise de conscience générale des violences contre les femmes et les filles durant le confinement, nous faisons face à une période difficile durant laquelle nos sociétés ne sont pas à l’abri d’une régression en matière d’égalité de genre. La crise économique de 2008 nous a appris que la diminution des budgets publics touchait les femmes et les filles en situation de handicap le plus drastiquement, et ce à cause de la diminution d’accès aux services. Ainsi, le LEF demande un nouvel “accord du care” qui permettrait d’investir d’une part dans les structures du care, et d’autre part dans des emplois de qualité dans le secteur du care, afin d’assurer une meilleure accessibilité aux services pour tou·te·s.

Elizabeth White, chargée politique à l’unité d’égalité de genre de la Commission européenne, a souligné que la Stratégie d’Égalité de Genres, adoptée récemment, pourrait jouer un rôle important dans la diminution de l’impact de la pandémie sur les femmes en situation de handicap. Cette stratégie met l’accent sur le droit de vivre libre de violence et de stéréotypes néfastes. Elle vise à accroître l’égalité de chances au travail et la participation des femmes dans les processus de décision et appelle les Etats membres à augmenter leurs efforts dans la situation actuelle. D’autres mesures pouvant être utilisées afin de défendre les droits des femmes en situation de handicap sont: les mesures de transparence en matière d’égalité sur le marché du travail; la directive de conciliation vie privée/vie professionnelle; et la recherche sur la violence de genre, avec une approche intersectionnelle. La Commission a aussi demandé l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul et l’intégration d’une perspective de genre dans la Stratégie Handicap à venir.

EIGE était représenté par la chercheuse Marre Karu. Elle a démontré comment, au travers de toutes les problématiques évoquées, les femmes en situation de handicap étaient impactées et discriminées de manière disproportionnée durant la pandémie actuelle. EIGE publiera l’index d’égalité de genre sur base des données de 2018, qui inclura quelques statistiques sur les personnes en situation de handicap. Ces données montrent qu’en Europe, les femmes en situation de handicap, bien qu’étant en plus mauvaise santé, souffrent du plus haut taux de besoins médicaux non satisfaits dans la population. Cela sera sans doute exacerbé durant la pandémie. Elles ont 35% de risque de se retrouver en situation de pauvreté. La raison principale pour ne pas participer au marché du travail est leur travail du care, alors que pour leurs homologues masculins, c’est leur handicap. La transition vers le télétravail faite durant le confinement pourrait rendre l’emploi plus accessible dans le futur, mais des données sont nécessaires pour pallier à l’impact de la pandémie sur le long-terme, en intégrant des indicateurs de handicap dans les indicateurs socio-économiques généraux.

Une perspective plus globale sur les femmes en situation de handicap a été donnée par Monjurul Kabir, un conseiller général sur l’égalité de genre et l’inclusion de l’handicap à ONU Femmes. Il est encore trop tôt pour déterminer l’impact exact de la pandémie sur les femmes en situation de handicap, mais plusieurs conséquences ont déjà été identifiées. Tout d’abord, les personnes en situation de handicap ont perdu leur travail de manière disproportionnée et ont eu moins d’accès à un nouvel emploi. Ensuite, les parents en situation de handicap, et plus particulièrement les mères, ont dû assumer la charge domestique, qui était encore exacerbée en présence d’enfants handicapés. Enfin, les violences domestiques et institutionnelles ont augmenté. L’accès aux services essentiels est devenu un véritable challenge pour les femmes en situation de handicap. Par exemple, les lignes d’aide ne sont pas souvent accessibles, bien qu’elles soient des services axées sur la technologie. Les réfugié·e·s et travailleurs·euses migrant·e·s, qui incluent aussi des femmes en situation de handicap, ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine, ni accéder à des services dans leurs pays d’accueil, affrontant ainsi des difficultés spécifiques. La pandémie globale a eu un impact significatif sur les économies nationales, et les gouvernements ont dû revoir leurs budgets. L’égalité de genre et l’inclusion des personnes non valides ont de nouveau été délaissés lors des distributions des ressources. Sur le long terme, la pandémie mènera sans doute à de nouvelles restrictions de services publics, et ce plus particulièrement au niveau local, qui n’est bien souvent pas inclus dans les processus de planification nationaux, ce qui aura pour conséquence la mise en danger des droits des femmes en situation de handicap.

En termes de bonnes pratiques, Isabel Caballero, coordinatrice de l’association espagnole de femmes en situation de handicap CERMI, a présenté le travail qu’elle a réalisé avec les femmes en situation de handicap durant la pandémie. L’Espagne ayant été particulièrement touchée par la covid-19, cela a généré un grand débat sociétal. Des 27 000 morts relatives au covid enregistrées jusqu’en juin, deux tiers ont eu lieu dans des maisons de soins pour personnes âgées et/ou en situation de handicap. Les statistiques officielles indiquent qu’au moins 6% des féminicides concernent les femmes en situation de handicap, mais la proportion est sans doute plus grande, étant donné que le handicap n’est pas enregistré systématiquement. Le confinement a causé une demande accrue de services spécifiques pour les femmes en situation de handicap. Le CERMI a facilité l’accès à l’information et aux ressources contre les violences faites aux femmes et aux filles, ainsi qu’à un service pour les femmes malentendantes assuré par la fédération espagnole pour les personnes sourdes et malentendantes. Elles ont aussi organisé des espaces de rencontre en ligne hebdomadaires (No estás sola – tu n’es pas seule) afin que les femmes en situation de handicap puissent parler de leurs expériences personnelles du confinement. En tout, à peu près 200 femmes issues d’Espagne et d’Amérique Latine ont conversé sur la santé, le management du care, les violences de genre, l’accès au travail et le rôle des femmes en situation de handicap dans le processus de reconstruction. CERMI a aussi lancé une recherche sur la violence contre les femmes en situation de handicap et a publié un nouveau rapport sur leur droit à la santé. Ces actions ont été menées en collaboration avec le Conseil national pour la participation des femmes en situation de handicap.

La discussion avec le public qui a suivi a identifié les difficultés spécifiques des femmes en situation de handicap vivant dans des milieux ruraux et ayant moins d’accès aux nouveaux médias, ainsi qu’aux besoins différents des femmes vivant en institution ou en communauté. Elle a aussi permis aux oratrices de partager leurs idées sur comment inciter les mouvements féministes à mieux/plus prendre en compte les femmes en situation de handicap. Des alliances entre organisations féministes et organisations de handicap,, ainsi que des espaces pour se rencontrer, échanger des expériences et identifier les différent·e·s actrices·eurs qui fusionnent les deux missions ensemble sont très importants. Mais il est encore plus essentiel que les organisations féministes deviennent plus inclusives, et que les organisations de personnes en situation de handicap adoptent une perspective de genre de manière transversale. 

Discours de Kasja Zedlycka

Katarzyna Zedlycka (Autonomia) a donné le discours suivant durant le webinar intitulé “En finir avec la violence contre les femmes en situations de handicap dans l’Union européenne” organisé par le European Disability Forum le 24 Novembre 2020.

Je suis une femme en situation de handicap. Je suis aussi une formatrice Wendo – le Wendo est une méthode féministe d’autodéfense et d’affirmation de soi pour les femmes et les filles. J’apprends aux femmes en situation de handicap à reconnaître les différentes formes de violences et à y réagir. De mes rencontres avec les femmes en situation de handicap, je retiens que nous avons une expérience collective des violences physiques, psychologiques, économiques et sexuelles. On nous touche sans notre consentement. On nous traite comme des enfants. On suppose que nous n’avons pas de désir sexuel, et pourtant nous sommes victimes de harcèlement et de violences sexuelles. La plupart de nos agresseurs restent impunis.

La société nous apprend à être silencieuses. Lorsque nous sommes en danger, nous avons peur de crier. Durant une rencontre avec des femmes en situation de handicap intellectuel, nous avons parlé de ce que nous pourrions faire lorsque quelqu’un nous touche sans notre consentement dans un bus. Une option est de crier. Cela permet d’attirer l’attention des autres passagères·ers. Après cette rencontre, une soignante est venue vers moi. Elle m’a dit: ne leur enseigne pas à crier, parce que les gens penseront qu’elles sont des malades mentales.

En Pologne il n’y a pas d’éducation sexuelle. On ne nous apprend pas à connaître notre propre corps. Bien souvent, nous ne savons pas quand, ni comment mettre nos limites, ou quand un comportement constitue de la violence ou du harcèlement.

Les femmes en situation de handicap se plaignent que l’on touche leurs chaises roulantes ou leurs cannes blanches sans leur permission. C’est pourquoi elles apprennent à utiliser ces objets pour se défendre. Leurs béquilles ou leurs chaises roulantes deviennent leurs outils de défense. 

Depuis janvier 2020, l’association Autonomia, Garance, ainsi que d’autres organisations de Belgique, France et Allemagne, ont commencé un projet pour les femmes en situation de handicap qui s’appelle “No means no” (Non c’est non). Ensemble, on organise des ateliers d’empowerment. On collecte aussi les histoires de succès. Des femmes en situation de handicap nous disent comment elles réagissent aux violences. Ces histoires de succès seront incluses dans un guide de sécurité. Le but de ce guide est d’aider les autres femmes à réagir et ensuite à raconter leurs propres histoires. 

Selon mon expérience, il est primordial que les formatrices et les femmes en situation de handicap partagent leurs expériences, s’entraident, et apprennent à reconnaître la violence et à y répondre.

Enfin, je voudrais souligner que nous devons nous souvenir que la plupart du travail doit être effectué par les hommes. Ils constituent 95% des agresseurs. Parmi ces 95%, il y a aussi des hommes en situation de handicap. La prévention à la violence requiert l’éducation des hommes – les hommes doivent prendre leur responsabilité afin de changer leurs idées préconçues nocives sur les violences sexuelles.