Webinaire sur l’accessibilité des services en charge des femmes ayant subi des violences

AVIQ et Garance ont organisé, le 20 septembre, un webinaire sur l’accessibilité des services en charge des femmes ayant subi des violences. Le webinaire visait à donner quelques conseils sur la manière de rendre les services plus accessibles aux femmes en situation de handicap.

Quatre femmes en situation de handicap ont témoigné de leur expérience de l’accessibilité des services et l’organisation française « Femmes pour le dire, femmes pour agir » a fait une présentation sur les mécanismes d’exclusion, la représentation mentale des soignant.e.s et des professionnel.le.s actif.ve.s dans le domaine.

Vous pouvez revoir le webinaire (en français) sous ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=zeQgiMaXCYk

Rolande : “Sors de ma chambre!”

Dans ma maison de soins, il y a un homme qui rentrait souvent dans ma chambre sans me demander d’autorisation. Je lui ai déjà dit plusieurs fois d’arrêter. Après avoir suivi un cours d’autodéfense, avec une soignante, je me suis entraînée à dire “Sors de ma chambre!”, en me mettant debout, en me tenant bien droite devant lui, en regardant droit dans ses yeux et en parlant fermement. Quand il est entré de nouveau dans ma chambre, c’est ce que j’ai fait. Il est sorti immédiatement et ne l’a plus jamais fait.

Rolande

Nadiejda : cours d’autodéfense

J’ai participé à un cours d’autodéfense pour des femmes malvoyantes. Après la première classe, mon mari s’est moqué de moi et m’a dit que je n’étais pas assez forte pour me défendre seule. Il m’a attrapé par les bras afin de me tester et j’ai crié dans son oreille: “AAAAAHHHH!”. Il m’a laissé tranquille et ne s’est plus jamais moqué de moi.

Martina : contrôle de routine

J’étais à l’hôpital avec mon assistante pour un contrôle de routine. Le docteur parlait à mon assistante de moi et mes maladies, comme si je n’étais qu’une enfant et ne me trouvait pas dans la même pièce. Je suis devenue très fâchée et me suis mise à pleurer, je voulais partir. J’étais en train de me retourner avec ma chaise électrique lorsque j’ai réalisé que je ne pouvais pas ouvrir la porte seule. Je me suis alors souvenue d’une classe d’auto-défense, je me suis retournée vers tous les deux, me suis fait la plus grande que j’ai pu, j’ai pris une grande respiration puis j’ai dis au docteur: “vous parlez de moi et de mes maladies avec mon assistante et agissez comme si je n’étais pas là! Cela ne va pas. Soit vous parlez directement avec moi, soit cette discussion est terminée”. Ils m’ont tous les deux regardés surpris. Le docteur m’a tout expliqué et mon assistante s’est excusée. Cela m’a fait beaucoup de bien de recevoir le respect que je mérite!

Laissées pour compte ? Les femmes en situation de handicap durant la crise COVID-19

Le 19 Juin 2020 avait lieu un webinaire intitulé “Laissées pour compte ? Les femmes en situation de handicap durant la crise COVID-19”, organisé par le European Disability Forum (EDF), et ayant pour but d’examiner l’impact de la pandémie actuelle sur 60 millions de femmes et de filles en situation de handicap en Europe. Le panel d’intervenant·e·s incluait des représentant·e·s de différentes organisations: le Comité des Femmes EDF, le Lobby Européen des Femmes (LEF), la Commission Européenne, l’Institut Européen pour l’Égalité de Genre (EIGE), ONU Femmes, et CERMI, une association espagnole de femmes en situation de handicap. Tou·te·s ce sont accordé·e·s pour dire que l’intersection de sexisme et de validisme a pour conséquence que les femmes en situation de handicap se voient exclues des efforts menés pour réduire l’impact négatif de la pandémie sur les populations particulièrement vulnérables. Les droits des femmes en situation de handicap ne sont défendus de manière prioritaire ni par les mouvements féministes, ni par les mouvements pour personnes en situation de handicap, ce qui n’est malheureusement pas différent en temps de crise.

Luisa Bosisio, une membre italienne du conseil d’administration et du Comité femmes de l’EDF, a critiqué le fait que les autorités publiques ne consultent pas les organisations de personnes en situations de handicap afin de déterminer les contre-mesures à prendre durant la pandémie. En conséquence, les femmes en situation de handicap ont été affectées particulièrement par la pandémie. En Italie, la majorité des personnes en situation de handicap vivant en institution sont des femmes. Elles sont donc touchées de manière disproportionnée par le confinement, qui s’est traduit par une isolation très sévère. L’assistance personnelle ayant été déclarée comme un service non-essentiel, les femmes en situation de handicap et les mères d’enfants handicapés ont été laissées sans assistance. Quand l’augmentation des violences conjugales a poussé les autorités à communiquer en faveur de soutien aux victimes, l’information n’a pas été rendue accessible à tou.te.s, laissant de nouveau les femmes en situation de handicap isolées, sans soutien. Pourtant, elles sont plus à risque de subir des violences que les femmes valides. La difficulté générale d’accès aux services de santé et aux droits reproductifs était encore exacerbée pour les femmes en situation de handicap, mettant en péril leur accès aux contraceptifs, à l’avortement, aux soins de grossesss et de prévention de cancers.

La secrétaire générale du LEF, Joanna Maycock, a rappelé aux participant·e·s l’impact socio-économique, de santé mentale et physique de la pandémie, ainsi que la récession économique qui nous attend. Bien qu’il y ait eu une prise de conscience générale des violences contre les femmes et les filles durant le confinement, nous faisons face à une période difficile durant laquelle nos sociétés ne sont pas à l’abri d’une régression en matière d’égalité de genre. La crise économique de 2008 nous a appris que la diminution des budgets publics touchait les femmes et les filles en situation de handicap le plus drastiquement, et ce à cause de la diminution d’accès aux services. Ainsi, le LEF demande un nouvel “accord du care” qui permettrait d’investir d’une part dans les structures du care, et d’autre part dans des emplois de qualité dans le secteur du care, afin d’assurer une meilleure accessibilité aux services pour tou·te·s.

Elizabeth White, chargée politique à l’unité d’égalité de genre de la Commission européenne, a souligné que la Stratégie d’Égalité de Genres, adoptée récemment, pourrait jouer un rôle important dans la diminution de l’impact de la pandémie sur les femmes en situation de handicap. Cette stratégie met l’accent sur le droit de vivre libre de violence et de stéréotypes néfastes. Elle vise à accroître l’égalité de chances au travail et la participation des femmes dans les processus de décision et appelle les Etats membres à augmenter leurs efforts dans la situation actuelle. D’autres mesures pouvant être utilisées afin de défendre les droits des femmes en situation de handicap sont: les mesures de transparence en matière d’égalité sur le marché du travail; la directive de conciliation vie privée/vie professionnelle; et la recherche sur la violence de genre, avec une approche intersectionnelle. La Commission a aussi demandé l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul et l’intégration d’une perspective de genre dans la Stratégie Handicap à venir.

EIGE était représenté par la chercheuse Marre Karu. Elle a démontré comment, au travers de toutes les problématiques évoquées, les femmes en situation de handicap étaient impactées et discriminées de manière disproportionnée durant la pandémie actuelle. EIGE publiera l’index d’égalité de genre sur base des données de 2018, qui inclura quelques statistiques sur les personnes en situation de handicap. Ces données montrent qu’en Europe, les femmes en situation de handicap, bien qu’étant en plus mauvaise santé, souffrent du plus haut taux de besoins médicaux non satisfaits dans la population. Cela sera sans doute exacerbé durant la pandémie. Elles ont 35% de risque de se retrouver en situation de pauvreté. La raison principale pour ne pas participer au marché du travail est leur travail du care, alors que pour leurs homologues masculins, c’est leur handicap. La transition vers le télétravail faite durant le confinement pourrait rendre l’emploi plus accessible dans le futur, mais des données sont nécessaires pour pallier à l’impact de la pandémie sur le long-terme, en intégrant des indicateurs de handicap dans les indicateurs socio-économiques généraux.

Une perspective plus globale sur les femmes en situation de handicap a été donnée par Monjurul Kabir, un conseiller général sur l’égalité de genre et l’inclusion de l’handicap à ONU Femmes. Il est encore trop tôt pour déterminer l’impact exact de la pandémie sur les femmes en situation de handicap, mais plusieurs conséquences ont déjà été identifiées. Tout d’abord, les personnes en situation de handicap ont perdu leur travail de manière disproportionnée et ont eu moins d’accès à un nouvel emploi. Ensuite, les parents en situation de handicap, et plus particulièrement les mères, ont dû assumer la charge domestique, qui était encore exacerbée en présence d’enfants handicapés. Enfin, les violences domestiques et institutionnelles ont augmenté. L’accès aux services essentiels est devenu un véritable challenge pour les femmes en situation de handicap. Par exemple, les lignes d’aide ne sont pas souvent accessibles, bien qu’elles soient des services axées sur la technologie. Les réfugié·e·s et travailleurs·euses migrant·e·s, qui incluent aussi des femmes en situation de handicap, ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine, ni accéder à des services dans leurs pays d’accueil, affrontant ainsi des difficultés spécifiques. La pandémie globale a eu un impact significatif sur les économies nationales, et les gouvernements ont dû revoir leurs budgets. L’égalité de genre et l’inclusion des personnes non valides ont de nouveau été délaissés lors des distributions des ressources. Sur le long terme, la pandémie mènera sans doute à de nouvelles restrictions de services publics, et ce plus particulièrement au niveau local, qui n’est bien souvent pas inclus dans les processus de planification nationaux, ce qui aura pour conséquence la mise en danger des droits des femmes en situation de handicap.

En termes de bonnes pratiques, Isabel Caballero, coordinatrice de l’association espagnole de femmes en situation de handicap CERMI, a présenté le travail qu’elle a réalisé avec les femmes en situation de handicap durant la pandémie. L’Espagne ayant été particulièrement touchée par la covid-19, cela a généré un grand débat sociétal. Des 27 000 morts relatives au covid enregistrées jusqu’en juin, deux tiers ont eu lieu dans des maisons de soins pour personnes âgées et/ou en situation de handicap. Les statistiques officielles indiquent qu’au moins 6% des féminicides concernent les femmes en situation de handicap, mais la proportion est sans doute plus grande, étant donné que le handicap n’est pas enregistré systématiquement. Le confinement a causé une demande accrue de services spécifiques pour les femmes en situation de handicap. Le CERMI a facilité l’accès à l’information et aux ressources contre les violences faites aux femmes et aux filles, ainsi qu’à un service pour les femmes malentendantes assuré par la fédération espagnole pour les personnes sourdes et malentendantes. Elles ont aussi organisé des espaces de rencontre en ligne hebdomadaires (No estás sola – tu n’es pas seule) afin que les femmes en situation de handicap puissent parler de leurs expériences personnelles du confinement. En tout, à peu près 200 femmes issues d’Espagne et d’Amérique Latine ont conversé sur la santé, le management du care, les violences de genre, l’accès au travail et le rôle des femmes en situation de handicap dans le processus de reconstruction. CERMI a aussi lancé une recherche sur la violence contre les femmes en situation de handicap et a publié un nouveau rapport sur leur droit à la santé. Ces actions ont été menées en collaboration avec le Conseil national pour la participation des femmes en situation de handicap.

La discussion avec le public qui a suivi a identifié les difficultés spécifiques des femmes en situation de handicap vivant dans des milieux ruraux et ayant moins d’accès aux nouveaux médias, ainsi qu’aux besoins différents des femmes vivant en institution ou en communauté. Elle a aussi permis aux oratrices de partager leurs idées sur comment inciter les mouvements féministes à mieux/plus prendre en compte les femmes en situation de handicap. Des alliances entre organisations féministes et organisations de handicap,, ainsi que des espaces pour se rencontrer, échanger des expériences et identifier les différent·e·s actrices·eurs qui fusionnent les deux missions ensemble sont très importants. Mais il est encore plus essentiel que les organisations féministes deviennent plus inclusives, et que les organisations de personnes en situation de handicap adoptent une perspective de genre de manière transversale.